• [Non-illustrée] Soi

    Ça donne absolument pas envie, mais ; si ça va trop vite, si c'est décousu, je ne m'en excuse absolument pas. Je n'ai écrit ça qu'a but thérapeutique. Je partage parce que j'aime partager. So, enjoy quand même ~


    Quand le chat n'est pas là les souris dansent, dit-on.

    C'était un de ces jours où le chat - les parents, le grand-père et le petit frère - était absent pour une bonne partie de la soirée, laissant la possibilité aux souris - mon grand frère et moi - de faire toutes les bêtises qu'elles voulaient. En soit, sortir de la maison à cette heure aussi tardive n'avait rien d'une dérogation ; nous avions reçue l'autorisation via un charmant « faites ce que vous voulez », mais sûrement pas pour tout ce qui passait par la tête du frangin à l'instant présent.

    Rey s'est pointé sur le pas de la porte grande ouverte de ma chambre, avec son air de gars de fan fiction ayant une idée sournoise sur le bout de la langue. Comme une virée en boîte, avec la fameuse musique trop forte, l'alcool que je ne supporte pas et le sentiment peu agréable d'oppression constante.

    - Alooors... ça te dit ou pas ? il me questionne, sachant très bien que je comprends parfaitement son allusion : nos deux trois ami.e.s commun.e.s, de la pizza, une guitare - la mienne -, des guimauves pour simuler l'ambiance feu de camp. Si on va regarder un film bien ennuyant sélectionné aléatoirement sur la télévision de notre hôte, discuter sans relâche jusqu'au lever du soleil ou juste se regarder dans le blanc des yeux à attendre que quelque chose se passe, on ne le sait jamais trop d'avance. On improvise toujours sur le tas. La dernière fois, c'était bowling.

    J'enlève mon casque de sur mes oreilles rendues douloureuses par les dix-huit heures d'utilisation, prends le temps de replacer mes cheveux verts assurément écrasés par le-dit casque - c'est ça le truc qu'on nous dit pas à propos des coupes de mecs ; faut absolument les coiffer et les recoiffer et encore les recoiffer pour avoir l'air présentable -, de replacer le T-Shirt de mon pyjama et de m'étirer de tout mon long. Tout ça sous l'oeil blasé du blond, qui connaît par cœur mon manège de pseudo-hésitation.

    - Tu vas faire un effort, hein ? qu'il soupire, désormais étalé sur mon lit grinçant.

    Je grimace, stop tout mouvement, alors qu'il repart vers sa chambre en quête de chaussettes propres. Faire un effort, aux yeux de mon frère, signifie enfiler ce que j'ai jamais voulu enfiler, porter ce dans quoi je ne suis pas le moins du monde à l'aise.

    Jouer à être la personne qu'on s'imagine être moi.

    Mon regard vairon se baissent sur l'écran encore allumé de mon portable un moment, un tout petit moment d'hésitation, de doutes et de questionnements - questions sans réponses ou pas, je ne sais plus trop, dans l'immédiat. Je dois me forcer pour arriver à le lever sur ma commode, un poids invisible écrase ma nuque, mon cou, mon crâne. M'empêche de respirer correctement, je-

    suffoque. Me lève sur mes jambes tremblantes. Ferme la porte. Panique. La verrouille. Jette un œil à mes tiroirs. Hésite. Tente la bouffée d'air frais. N'y arrive pas. Clos les paupières. Tends une main fébrile vers la poignée. Recule. Suffoque.

    Rien que la présence de

    mes, ses, mes, ses

    vêtements derrière le pan de bois me brûle la peau. Les bouts de tissus me narguent, ricanent en choeur, se moquent joyeusement de mon état, de ma réaction que n'importe qui qualifierait de dramatique. Un acte exagéré sous tous les angles.

    Pourtant, lorsque je fais tourner le haut lavande, avec une tête de panda dessinée dessus, qu'on m'avait offert à un moment donné ou à un autre, je me sens tellement démunie que le simple fait de tenir ce léger morceau de coton entre mes doigts me semblaient devenir une épreuve insurmontable. Autour de moi, la pièce commence à tanguer. Je sais que je n'ai qu'à m'étendre un peu pour faire passer cette impression, mais je ne bouge pas, fixant encore et toujours ce stupide panda.

    C'est un pyjama que j'ai énormément porté dans le passé, très confortable et zéro matière agressive. Je n'ai rien à lui reprocher, sinon d'avoir été cousu pour le mauvais sexe.

    Ce serait tellement plus simple si tous les vêtements étaient unisexes, bordel.

    Je repose le T-Shirt à base de coton - je crois ? - à sa place initiale : dans le tiroir du haut, caché au fond. Et puis, je regarde la seule robe que je possède. Le genre de trucs que j'aime regarder tourner sur les corps des autres femmes, que je pourrais presque trouver beau. Ça, c'est un cadeau de la copine de Rey, qui pensait bien faire, mais qui, au final, a seulement réussi à tout empirer. Je-

    crois qu'il faut que je m'étende un peu.

    Les pas de l'aîné en fond, calfeutrés par le mur et la porte close. Il toque rapidement, agresse mes oreilles cotonneuses.

    - T'en mets du temps, il se plaint simplement. Toque une nouvelle fois, ne reçoit aucune sorte de réponse de ma part. Qu'es'tu fous ?

    J'empoigne l'unique T-Shirt neutre de ma collection, enfile le skinny le plus foncé du tiroir du bas, me bats un instant avec les lacets de mes merveilleuses bottines avant de déverrouiller et tourner la poignée, trouvant un frère équipé de chaussettes propres de l'autre côté.

    - À l'aide ? je me retrouve à quémander, le regard sur mes Doc ; je sais toujours pas faire mes lacets, alors que je me souviens avoir joué à les défaire, refaire, quand j'étais gosse.

    Il prend le temps de zieuter ma tenue avant de se pencher, l'air déconfit, et réussir en dix secondes chrono à nouer ces fichues cordes.

    - J'aime pas les robes.

    - Je sais. T'es belle quand même, qu'il tient à me complimenter, rempli de bonnes intentions.

    Belle.

    - Non, je lâche dans un souffle, le visage aussi froid que possible. C'est le seul mot qu j'arrive à forcer hors du nœud au fond de ma gorge, dans ces moments. Et personne comprend, ne cherche même à comprendre. Tout le monde se contente de me regarder de travers, comme si ma peau était soudainement devenue violette. J'ai l'impression d'essayer dans le vide, que même le frère qui a toujours fait de son mieux pour me comprendre et me supporter ne voit aucun de mes efforts. Le sentiment de déception m'étreint rapidement avant de disparaître aussitôt, pour être remplacé par un vide émotionnel dominé par un malaise constant.

    Il vit là depuis beaucoup trop longtemps, ce malaise.

    Le blond n'a pas plus insisté, sachant très bien que ça ne servait à rien de m'abreuver de compliments, que ça n'influençait pas réellement ma pensée sur mon moi-même.

    - Rey ? Il se tourne vers moi, le regard étonné, comme si je venais juste de dire ou faire quelque chose que je n'avais jamais dit ou fait. Ça va pas du tout, jamais dit, fait. Malheur jamais avoué ou démontré de façon claire.

    Il tend son bras à peine tatoué vers le mien, presque totalement recouvert,

    - Je... crois que j'aime pas être une femme.

    me serre contre lui,

    - J'me sens plus homme.

    m'embrasse la tempe,

    - J'veux être un garçon.

    - Okay.

    Plein de compréhension, d'acceptation totale.


  • Commentaires

    1
    Dimanche 17 Juin 2018 à 10:56

    Il me semble que c'est la première fois que je commente sur ce blog, bien que j'ai lu quelque unes de tes histoires, notamment les BD. J'aime beaucoup ton style d'écriture, et j'espère sincèrement que tu te sens mieux dans ta peau aujourd'hui qu'à l'époque que tu décris. Avec tout le soutien que je puisse t'offrir sans te connaître, je te souhaite une bonne journée.

      • Lundi 18 Juin 2018 à 12:51

        Alors, oui, merci, je vis mieux la chose maintenant ^^

        Une bonne journée / soirée à toi également :)

    2
    Kalou Simlish
    Dimanche 17 Juin 2018 à 15:05

    Tu écris merveilleusement bien , Saï, vraiment :o

    Histoire très touchante ^^

      • Lundi 18 Juin 2018 à 12:52

        Oh, merci :o

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    3
    Lundi 18 Juin 2018 à 14:53

    Je trouve que l'écriture permet toujours de poser les choses, de démêler les émotions qui nous traversent et également de mettre un peu de distance sur ce qui nous a fait du mal. le fait d'écrire une situation donnée, un évènement douloureux permet également de moins l'avoir présent en tête.

    J'espère que cela va mieux pour toi maintenant, dans ce que tu as traversé.

    Saï. Joli prénom. Il picote un peu sur la langue mais il est bien agréable à prononcer ;)

    Je reviendrai par ici smile

      • Jeudi 21 Juin 2018 à 17:57

        Ça va bien mieux depuis, oui... :)

        Merci bien ^^

        Au plaisir de te revoir par ici, alors ~

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