Ninüm Sgon

Ma fille s'est trouvé un boulot dans une pizzeria, et j'étais même pas au courant - ça doit expliquer pourquoi elle est arrivée avec un bon cinq heures de retard, hier. Un petit travail à mi-temps, cinq heures la journée, trois ou quatre jours la semaine, rien de bien folichon, mais elle aurait pu me mettre au courant, quand même.

Enfin, du coup, je l'ai trouvée à tenter d'enfiler le T-Shirt orange bien trop petit pour elle, ce qui semblait être la nouvelle mode des jeunes déjà serrée autour de ses jambes maigrelettes - les skinny jeans, j'entends.

- Je croyais que le orange t'allait pas du tout ? ai-je haussé un sourcil vert. Elle a levé les yeux au ciel, habitude qu'elle avait depuis quelque temps et qui m'horripilait au plus au point. Et arrête de faire ça, c'est très malpolie.

- Je te l'ai dit hier ! c'est même pas vrai. Ou peut-être que si. Le jus de raisin n'était décidément vraiment pas net. Je sers des pizzas aux gens, tout ça. Et en plus, de temps en temps, j'ai droit de m'en faire une toute petite, gratuitement, elle souriait. Maintenant, excuse-moi, mais je dois partir travailler, moi ! elle faisait sûrement allusion au fait que je n'avais toujours pas de travail. Dans cette stupide société humaine, c'était les hommes qui ramenait le pain et le beurre sur la table, pas les femmes - enfin, semblerait-il que ce ne soit plus vraiment le cas aujourd'hui, mais je les vois, tous, les regards de reproche sur les pères au foyer. Elle a secoué sa petite tête violette, comme désappointée.

- Alors, déjà, je ne me suis pas trouvé de travail, parce que ta mère et moi on s'est mis d'accord pour que l'un de nous reste à la maison pour s'occuper de toi jusqu'à ta majorité, c'est totalement faux, mais je n'allais quand même pas lui dire qu'une dingue débarqué de nulle part nous avait obligés à la mettre au monde.  Maintenant, tu peux aller travailler, on en reparlera plus tard. Et elle est partie.

Jour 30

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